Le petit peuple,
vous parle des déplacements humains - de l’exil - de la
déportation - de l’exode - des migrations et de l’immigration - des réfugiés - du droit des
peuples à disposer d’eux même - du respect de l’humain - de la
solidarité - des droits de
l’Homme - de la libre circulation - de la vie - de l’histoire
…autrement
Sans discours ni
trompettes, sans leçon de morale, sans jugement, sans
paroles,
sans date, ni
localisation, ni référence.
En montrant l’histoire universelle de façon universelle, accessible à tous.
En réveillant tous les
imaginaires, En
touchant au cœur le regardeur.
Ils sont en bois. Ils portent en eux
l’histoire de l’arbre et l'histoire du voyage...
Ils ont flotté, de la rivière à la mer… Après
un long périple, ils s’échouent sur nos plages.
Ils se relèvent ils se mettent en marche
ils cherchent un lieu pour leur cri.
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…Caminante, no hay camino, se hace el
camino al andar… (A.Machado)
Née et élevée au soleil et à la mer,
j'y puise depuis toujours, ma matière première et mon inspiration. J'aime les
rivages, ces territoires flous, ni eau ni terre, qui n'appartiennent à personne
et sont inaliénables. Et j'aime les arpenter, l'hiver, et j'y ramasse -
compulsivement- ce que la mer y laisse… Chaque
élément que je récolte inlassablement, et que je garde précieusement est une
partie d’un TOUT à venir qui se révèle soudain, comme l’évidence de quelque
chose qui existait déjà.
… Les choses ont une vie bien à elles, il faut réveiller leur âme,
toute la question est là … (100 ans de solitude, G.
Garcia Marquez).
Après un parcours chaotique et
éclectique tant professionnel (spectacle vivant, horticulture…) qu'artistique
(photo, dessins, collages, mobiles…), à quarante ans, seule avec un enfant, je
décide de me consacrer à plein temps à mon métier d'artiste, et ma forme
d'expression privilégiée est maintenant l'installation. J'aime
"prendre" et sentir les lieux, et leur laisser m'imposer l'acte.
En 2004, donc, je crée "le petit peuple", simples assemblages de
bois flottés bruts, vaguement anthropomorphiques, de 20 à 30 cm de haut,
installés au sol, en grand nombre. Je ne savais pas encore qu'ils allaient
m'emporter dans un Infini Voyage. Car ce petit peuple a prit vie, il m'a poussé
de l'avant, toujours plus loin… "Echoués sur la grève, ils se relèvent,
ils se mettent en route, ils cherchent un lieu pour leur cri…" La triste
actualité s'est chargé elle-même de faire le rapprochement…
Installés en foule, ce petit peuple suggère avec force, tous les
déplacements humains, toute notre histoire, tous nos départs, et nous rappelle
que l'humain, depuis la nuit des temps, est un animal migrateur. Il nous
interroge sur la question du territoire, de la libre circulation, de la
mobilité contrainte. Au-delà, il nous questionne plus profondément sur le sens
de la vie, cette longue route que nous parcourons tous, de la naissance à la
mort. Pourquoi, comment, la cheminer ?
Grâce à l'éclectisme de mon parcours, le petit peuple a pu
se développer avec une grande diversité de médiums, j'ai saisit tous les moyens
d'expression à ma disposition et je bouscule ainsi les hiérarchies convenues
entre œuvres murales / spatiales, 2 D / 3D, mobiles / immobiles, échelle 1 /
échelle 10. Cette œuvre se décline sous différentes formes plastiques. Du bois
flotté au dessin à l'encre, sur tige ou en suspension, en impression photo sur
toile ou sur flag, en tableaux, en mobiles ou stabiles, en alphabet, en livre, en
court métrage… Toutes ces formes dialoguent, se répondent, se font écho, dans
une troublante mise en abime.
Influencée par le théâtre et le cinéma, j'invente en 2011, le NTNC,
Nouveau Théâtre Néo Cinétique, en référence au NCNC (Nouveau Cinéma Néo
Cinétique) et je crée L'infini voyage, installation mobile et théâtre immobile.
Une installation immersive qui peut accueillir le spectacle vivant.
Parallèlement,
en 2005, en découvrant le travail d'Andy Goldworthy, je me reconnecte à la
nature et au paysage avec le Land art. Je fais régulièrement des résidences de
création partout en France. J’aime travailler dans et avec la nature car, les œuvres ainsi créées
ne doivent leur force suggestive qu’à leur impermanence, et qu’elles défient toute velléité d’appropriation.
Depuis 2013, dans les bois, les forêts, les parcs, les
jardins, je crée des EntreLÁcs, grandes installations filaires sous les arbres.
Toi qui es las, entre là, dans l'Entrelacs. Ce sont des refuges, des endroits où s’arrêter, s’assoir et
contempler. Des espaces sensoriels à explorer. Une façon d'aborder la
question du territoire sur le plan de l'intime. La notion d'interactivité est au cœur de mes préoccupations. Le public est clairement impliqué et la question de l'espace
privé/public comme lieu de rencontre et d'échanges sociaux est mise en
évidence.
En cette époque
d'individualisme forcené, je parle de pluralité. Mes installations sont
figuratives, réalistes, politiques et poétiques. A force de simplicité, mon
œuvre nous parle de la complexité du monde.
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Ils font entre 20 et 40 cm.
Ils sont très nombreux.
Silhouettes vaguement anthropomorphes.
Ils suggèrent avec force
l’histoire
de tous les peuples…
Ils nous rappellent que,
depuis l'aube de l'humanité, l'humain est un animal migrateur.
Le
voyage du petit peuple a commencé en 2004.
Depuis
15 ans, il se décline sous différentes formes plastiques. Du bois flotté au
dessin à l'encre, sur tige ou en suspension, mobile ou stabile, en impression
photo sur toile ou sur flag, en livres, court métrage… changement de matière,
changement d'échelle…
Toutes
ces formes dialoguent, se répondent, se font écho, dans une troublante mise en
abime.
Le petit
peuple existe.
IL EST LA.
DEPUIS TOUJOURS.
TOUJOURS LA. PARTOUT.
Mais, nous,
nous ne le voyons pas,
du haut de notre hauteur,
nous l'ignorons,
nous le piétinons, même, par ignorance, par insouciance, par inconscience ?
Le petit
peuple est innombrable.
J'ai trouvé
chaque pièce qui le constitue,
par terre, foulée aux pieds.
Souvent,
très souvent, la tête repose
non loin du corps.
D I S L O C A T I O N
Comme si je cheminais
sur un champ de bataille.
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Hier fut la
chute,
le
roulé-boulé dans le ruisseau, la boue qui colle et asphyxie.
Hier la
fuite.
Fuir le
foyer, sous peine d'être réduit en cendre.
Fuir
l'amoncellement et la pourriture.
Hier fut
nombreux.
Et long.
Long le chemin, long le froid et le vent,
dépouillé, nu de ce qu'il aurait
fallu,
dépourvu de ce qu'il aurait voulu.
Qu’était-il
promis à ceux qui prenaient la route ?
Quand le
corps à force de frotter vient au plus près de l'os.
Quand à ne
plus manger, l'appétit disparaît.
Quand de
tant de pluie et d'embruns, l’eau devient superflue.
Marcher
parce que les autres marchent,
rêver parce que les autres rêvent,
espérer parce
que les autres espèrent.
Suit le
ruisseau, suit le fleuve, suit la mer.
Bloqué dans
un méandre,
broyé par une hélice,
alourdi d'eau et de sel,
s'enfonçant dans les
flots,
tombant, enfin doucement,
enfin sans effort,
pour reposer au fond, tout
au fond,
jusqu'à bientôt être couvert d'algues, et dissous.
Pendant que
d'autres passent, surnagent et flottent jusqu'à la grève.
Posés sur le sable.
Séchant. Si légers. Non identifiés.
Un coup de
pied te rejette,
brindille obstinée qui sera là à nouveau demain.
La mer obsède
et intercède.
Te prend et te pose, te reprend et te repose.
A moins que
la herse ne mette ses dents sur toi au risque de te briser.
Ne t'amène
dans un enclos.
Fin du voyage, tu salissais la plage.
Tes os
froids et gris jetteront un dernier éclat rouge un jour sans vent.
Mais il y a
aussi la main.
Coups de
pied, semelles qui brisent et renversent,
mais la main.
La main
tendue, la main que tu n'espérais plus,
celle que tu n'oses croire, qui te
prend et t'emmène,
qui te débarrasse du sable,
qui te laisse te remettre
debout,
qui t'invite au souvenir, qui accepte que tu existes,
qui voit en toi
et l'arbre et la route, et le froid et le chaud.
La main qui
mesure toute l'usure de ta peau,
qui te touche et perçoit un doigt de chaleur.
La main qui
te repose en confiance.
Es-tu
arrivé ? Peux-tu arriver toi qui es parti ?
Petit, qui
peuple nos histoires.
Pascal Fruchon,
pour Anne Sarda et son petit peuple.
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