Tombé, roulé, flotté, de la rivière à la mer, le petit peuple s'échoue sur la plage, il se relève il se met en marche il cherche un lieu pour exister. Il se déplace depuis 20 ans.
Bienvenue
"Caminante, no hay camino, se hace el camino al andar". A Machado
25/06/2017
14/06/2017
Escale à Servies
L'infini voyage du petit peuple
fait escale à la Coop.art
centre d'art autodidactique crée par Philippe Aïni
à Servies en Val
01/06/2017
"Mots sans retour"
"Mots sans retour"
Une lecture d'Hélène Bardot
au cœur de "l'infini voyage du petit peuple"
ont été lus les textes ci-dessous et
Le livret édité par un collectif d'éditeurs jeunesse,
"Eux, c'est nous."
qui contient le texte inédit de Daniel Pennac :
L'instinct, le coeur et la raison.
Le texte d'Erri de Luca "Aller simple", ed. Gallimard
"
Si la Terre est belle, vue de l'espace,
c'est parce qu'on n'y voit pas
les cicatrices des frontières."
Cosmonaute syrien - cité par Pierre Kohler
dans son livre "La dernière mission", Calmann-Lévy, 2000, p. 129 -
Mohammed Faris
"Aucune frontière n'est facile à franchir. Il
faut forcément abandonner quelque chose derrière soi. .. Aucune frontière ne
vous laisse passer sereinement. Elles blessent toutes."
Eldorado de Laurent Gaudé - Laurent Gaudé
"Les hommes sont les mêmes partout : les
frontières ne figurent que dans nos âmes. Mais ne dis jamais à personne que la
seule vraie patrie de l'homme, c'est l'homme ! On te prendrait pour un poète.
Ce qui est pire que tout. "
Réflexions sur les gens de chez nous et
d'ailleurs - San Antonio
"L’exil est rond
Un cercle, un anneau :
tes pieds en font le tour,
tu traverses la terre,
et ce n’est que la terre,
le jour s’éveille
et ce n’est pas le tien,
la nuit arrive :
il manque tes étoiles,
tu te trouves des frères :
et ce n’est pas ton sang .
Tu es comme un fantôme qui rougit
de ne pas aimer plus ceux qui t’aiment si fort,
et n’est-il pas vraiment étrange que te manquent
les épines ennemies de ta patrie,
l’âpre détresse de ton peuple,
les ennuis qui t’attendent,
et qui te montreront les dents dès le seuil de la porte …"
Pablo Neruda
Chant libre d’Amérique latine, Mémorial de l’île noire, Gallimard, Paris, 1977.
"Il
n’est frontière qu’on n’outrepasse
Nous
fréquentons les frontières, non pas comme signes et facteurs de l’impossible,
mais comme lieux du passage et de la transformation.
Dans
la Relation, l’influence mutuelle des identités, individuelles et collectives,
requiert une autonomie réelle de chacune de ces identités.
La
Relation n’est pas confusion ou dilution. Je peux changer en échangeant avec
l’autre, sans me perdre pourtant ni me dénaturer.
C’est
pourquoi nous avons besoin des frontières, non plus pour nous arrêter, mais
pour exercer ce libre passage du même à l’autre, pour souligner la merveille de
l’ici-là.
La
faculté de transformer en lieux de promesse nos lieux de souffrances ou de
défaites, quand même il serait trop facile de nous substituer à ceux qui
souffrirent réellement la défaite et les larmes, nous permettra de franchir la
frontière d’avec les lieux où d’autres humanités souffrirent et perdurèrent, et
de concevoir ces lieux dans l’éloge et les fastes. Pour ce qui est des
frontières légales entre les communautés, observons combien il est agréable de
les quitter sans contrainte, sans mesure, de continuer comme naturellement de
l’atmosphère Maroc à l’atmosphère Algérie, et de ce vivre-France à ce
vivre-Espagne, et de l’air qu’on respire en Savoie à l’air qu’on respire en
Toscane (« C’est encore loin, la Toscane ? »), et des déserts bleus du Pérou
aux déserts ocre du Chili, vous vous sentez léger d’une inouïe vêture, et plein
d’un appétit ancien pour ce qui va survenir, la frontière est cette invitation
à goûter les différences, et tout un plaisir de varier, mais revenons ensuite à
tous ceux qui ne disposent pas d’un tel loisir, les immigrants interdits, et
concevons le poids terrible de cet interdit.
Franchir
la frontière est un privilège dont nul ne devrait être privé, sous quelque
raison que ce soit. Il n’y a de frontière que pour cette plénitude enfin de
l’outrepasser, et à travers elle de partager à plein souffle les différences."
Édouard
Glissant
In memoriam
Son nom c’était
Mohamed Scheab
Il descendait
des émirs nomades
Il s’est suicidé
parce qu’il n’avait
plus de patrie
Aimait la France
changea de nom
Il fut Marcel
mais pas Français
Il ne savait plus vivre
sous la tente des siens
où l’on écoute
la cantilène du Coran
en buvant du café
Et ne savait
pas libérer
la chanson
de son abandon
Je l’ai suivi
avec la patronne de l’hôtel
où nous vivions
à Paris
au numéro 5 de la rue des Carmes
une ruelle en pente aux murs fanés
Il repose
au cimetière d’lvry
un faubourg qui ressemble
éternellement
à une journée
où la foire se démonte
Et peut-être suis-je seul
à savoir encore
qu’il a vécu.
1916, Giuseppe UNGARETI, (poète italien 1888-1970).
Il porto Sepolto, in « Vie d’un homme »
(Éd. de Minuit-Gallimard)
"Le premier besoin de l’homme, son premier
droit, son premier devoir, c’est la liberté.
La civilisation tend invinciblement à
l’unité d’idiome, à l’unité de mètre, à l’unité de monnaie, et à la fusion des
nations dans l’humanité, qui est l’unité suprême. La concorde a un synonyme,
simplification ; de même que la richesse et la vie ont un synonyme,
circulation. La première des servitudes, c’est la frontière.
Qui dit frontière, dit ligature. Coupez la
ligature, effacez la frontière, ôtez le douanier, ôtez le soldat, en d’autres
termes, soyez libres ; la paix suit.
Paix désormais profonde. Paix faite une
fois pour toutes. Paix inviolable. État normal du travail, de l’échange, de
l’offre et de la demande, de la production et de la consommation, du vaste
effort en commun, de l’attraction des industries, du va-et-vient des idées, du
flux et reflux humain.
Qui a intérêt aux frontières ? Les rois.
Diviser pour régner. Une frontière implique une guérite, une guérite implique
un soldat. On ne passe pas, mot de tous les privilèges, de toutes les
prohibitions, de toutes les censures, de toutes les tyrannies. De cette frontière,
de cette guérite, de ce soldat, sort toute la calamité humaine.
Le roi, étant l’exception, a besoin, pour
se défendre, du soldat, qui à son tour a besoin du meurtre pour vivre. Il faut
aux rois des armées, il faut aux armées la guerre. Autrement, leur raison
d’être s’évanouit. Chose étrange, l’homme consent à tuer l’homme sans savoir
pourquoi. L’art des despotes, c’est de dédoubler le peuple en armée. Une moitié
opprime l’autre.
Les guerres ont toutes sortes de prétextes,
mais n’ont jamais qu’une cause, l’armée. Ôtez l’armée, vous ôtez la guerre.
Mais comment supprimer l’armée ? Par la suppression des despotismes.
Comme tout se tient ! abolissez les
parasitismes sous toutes leurs formes, listes civiles, fainéantises payées,
clergés salariés, magistratures entretenues, sinécures aristocratiques,
concessions gratuites des édifices publics, armées permanentes ; faites cette
rature, et vous dotez l’Europe de dix milliards par an. Voilà d’un trait de
plume le problème de la misère simplifié."
Actes et paroles - Victor Hugo
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Frères Migrants
DÉCLARATION DES POÈTES
DÉCLARATION DES POÈTES
Patrick Chamoiseau
1
- Les poètes déclarent : Ni orpheline, ni sans effets, aucune douleur n’a
de frontières !
2
- Les poètes déclarent que dans l’indéfini de l’univers se tient l’énigme
de notre monde, que dans cette énigme se tient le mystère du vivant, que dans
ce mystère palpite la poésie des hommes : pas un ne saurait se voir
dépossédé de l’autre !
3
- Les poètes déclarent que l’accomplissement mutuel de l’univers, de la
planète, du vivant et des hommes ne peut s’envisager que dans une horizontale
plénitude du vivant — cette manière d’être au monde par laquelle
l’humanité cesse d’être une menace pour elle-même. Et pour ce qui existe…
4
- Les poètes déclarent que par le règne de la puissance actuelle, sous le fer
de cette gloire, ont surgi les défis qui menacent notre existence sur cette
planète ; que, dès lors, tout ce qu’il existe de sensible de vivant ou
d’humain en dessous de notre ciel a le droit, le devoir, de s’en écarter et de
concourir d’une manière très humaine, ou d’une autre encore bien plus humaine,
à sa disparition.
5
- Les poètes déclarent qu’aller-venir et dévirer de par les rives du monde sont
un Droit poétique, c’est-à-dire : une décence qui s’élève de tous les
Droits connus visant à protéger le plus précieux de nos humanités ;
qu’aller-venir et dévirer sont un hommage offert à ceux vers qui l’on va, à
ceux chez qui l’on passe, et que c’est une célébration de l’histoire humaine
que d’honorer la terre entière de ses élans et de ses rêves. Chacun peut
décider de vivre cette célébration. Chacun peut se voir un jour acculé à la
vivre ou bien à la revivre. Et chacun, dans sa force d’agir, sa puissance
d’exister, se doit d’en prendre le plus grand soin.
6
- Les poètes déclarent qu’en la matière des migrations individuelles ou
collectives, trans-pays, trans-nations et trans-monde, aucune pénalisation ne
saurait être infligée à quiconque, et pour quoi que ce soit, et qu’aucun délit
de solidarité ne saurait décemment exister.
7
- Les poètes déclarent que le racisme, la xénophobie, l’indifférence à l’Autre
qui vient qui passe qui souffre et qui appelle sont des indécences qui dans
l’histoire des hommes n’ont ouvert la voie qu’aux exterminations, et donc que
ne pas accueillir, même pour de bonnes raisons, celui qui vient qui passe qui
souffre et qui appelle est un acte criminel.
8
- Les poètes déclarent qu’une politique de sécurité qui laisse mourir et qui
suspend des libertés individuelles au nom de l’Ordre public contrevient au
principe de Sûreté que seul peut garantir l’exercice inaliénable indivisible
des Droits fondamentaux.
9
- Les poètes déclarent qu’une Constitution nationale ou supranationale qui
n’anticiperait pas les procédures d’accueil de ceux qui passent qui viennent et
qui appellent, contreviendrait de même manière à la Sûreté de tous.
10
- Les poètes déclarent qu’aucun réfugié, chercheur d’asile, migrant sous une
nécessité, éjecté volontaire, aucun déplacé poétique, ne saurait apparaître
dans un lieu de ce monde sans qu’il n’ait — non pas un visage mais tous
les visages, non pas un cœur tous les cœurs, non pas une âme toutes les âmes.
Qu’il incarne dès lors l’Histoire de toutes nos histoires et devient par ce
fait même un symbole absolu de l’humaine dignité.
11
- Les poètes déclarent que jamais plus un homme sur cette planète n’aura à
fouler une terre étrangère — toute terre lui sera native —, ni ne
restera en marge d’une citoyenneté — chaque citoyenneté le touchant
de ses grâces —, et que celle-ci, soucieuse de la diversité du monde, ne
saurait décider des bagages et outils culturels qu’il lui plaira de choisir.
12
- Les poètes déclarent que, quelles que soient les circonstances, un enfant ne
saurait naître en dehors de l’enfance ; que l’enfance est le sel de la
terre, le sol de notre sol, le sang de tous les sangs, que l’enfance est donc
partout chez elle, comme la respiration du vent, le salubre de l’orage, le
fécond de la foudre, prioritaire en tout, plénière d’emblée et citoyenne
d’office.
13
- Les poètes déclarent que la Méditerranée entière est désormais le Lieu d’un
hommage à ceux qui y sont morts, qu’elle soutient de l’assise de ses rives une
arche célébrante, ouverte aux vents et ouverte aux plus infimes lumières,
épelant pour tous les lettres du mot accueil dans toutes les langues, dans
tous les chants, et que ce mot constitue uniment l’éthique du vivre-monde.
14
- Les poètes déclarent que les frontières ne signalent qu’une partition de
rythmes et de saveurs, qui n’oppose pas mais qui accorde, qui ne sépare que
pour relier, qui ne distingue que pour rallier, et que dès lors aucun cerbère,
aucun passeur, n’y trouvera à sévir, aucun désir n’y trouvera à souffrir.
15
- Les poètes déclarent que toute Nation est Nation-Relation, souveraine mais
solidaire, offerte au soin de tous et responsable de tous sur le tapis de ses
frontières.
16
– Frères migrants, qui le monde vivez, qui le vivez bien avant nous, les poètes
déclarent en votre nom, que le vouloir commun contre les forces brutes se
nourrira des infimes impulsions. Que l’effort est en chacun dans l’ordinaire du
quotidien. Que le combat de chacun est le combat de tous. Que le bonheur de
tous clignote dans l’effort et la grâce de chacun, jusqu’à nous dessiner un monde
où ce qui verse et se déverse par-dessus les frontières se transforme là même,
de part et d’autre des murs et de toutes les barrières, en cent fois cent fois
cent millions de lucioles ! — une seule pour maintenir l'espoir à la
portée de tous, les autres pour garantir l’ampleur de cette beauté contre les
forces contraires.
Paris,
Genève, Rio,
Porto Alegre, Cayenne,
La Favorite,
Décembre 2016
Porto Alegre, Cayenne,
La Favorite,
Décembre 2016
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Les exilés :
Ils viennent de tous les angles de l’exil
Avec pour seul bagage le rien
Ils sont le rien absolu rêvant,
Promise par quel hasard ?
Sa plénitude.
Entassés dans les soutes des trains
Des bateaux de fortune
Des avions à tarifs réduits
Ils sondent le monde de leur passage
perpétuel
Ils tournent mille fois autour du même
point
Un café récemment découvert s’habitue à
leur présence
Jusqu’au moment où les veines mêmes des
banquettes se fatiguent d’eux.
Un garçon de café les balaie sans raison
Ou bien c’est un gardien qui les chasse au
matin
Parfois on voit l’un d’eux au milieu des
anges
Musicien d’un orchestre ou chanteur
ambulant
Poète à l’ouvrage auteur
En encyclopédie
Et il attire à lui, cadavre, des fourmis
affamées.
Haine
De ses concitoyens d’exil
Traître
Disent-ils, et en effet il en est un :
Ne devrait-il pas séjourner dans l’isoloir
du silence, à jamais ?
Dans l’isoloir
De l’échec le plus amer, à jamais ?
Dans sa lancinance à l’instant renouvelée,
à jamais ?
De leurs bouches s’envolent des rumeurs
Autour desquelles se tisse leur destin
noueux
Et la tendresse que chacun d’eux porte pour
l’autre
Il ne la prononce que par-devers soi.
Théâtres encombrés de combats planétaires
Abel et son frère en un même être
Avec le cœur bifide comme le front de
Janus.
Qui les a éloignés de la première source ?
Qui ne les voit trébucher dans le moindre
geste ?
Hors d’eux-mêmes, qui donc chaque fois les
expulse ?
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